21 mars 2006

L’anti-sécurité aérienne

Le quotidien québécois Le Devoir nous apprenait dans son édition du 14 mars que l'aéroport de Toronto s'apprête à lancer un programme qui permettra aux voyageurs fréquents de réduire considérablement leur temps d'attente aux points de contrôle de sécurité. Ce programme fait déjà l'objet de tests à l'aéroport d'Orlando, en Floride, et il devrait être disponible cet été dans les principaux aéroports états-uniens.

Le principe est simple: en échange d'un abonnement annuel d'environ 90 dollars canadiens, les participants feront l'objet d'une enquête de sécurité de la part des autorités (la TSA aux États Unis, et certainement l'ACSTA au Canada). Si leur niveau de risque est jugé satisfaisant, ils recevront alors une carte d'identification biométrique qui leur permettra de se glisser en tête des files d'attentes (ou dans une file d'attente qui leur sera réservée) et de n'être soumis qu'à des fouilles très sommaires.

Ce programme (qui ferait gagner quelques minutes au mieux aux voyageurs pressés) comporte malheureusement quelques faiblesses de taille:
* Il ne sera d'abord pas géré à l'échelle nationale, ce qui implique que les passagers qui s'y abonnent devront se doter d'une carte différente pour chaque aéroport visité;
* Il ne protègera en rien contre les terroristes qui n'ont jamais été préalablement fichés (comme c'était le cas de Timothy McVeight par exemple), et il leur donnera au contraire un accès privilégié aux avions;
* Il sera même en mesure d'informer les terroristes potentiels qui en feront la demande s'ils figurent déjà sur les listes de surveillance du gouvernement, puisqu'un refus de leur vendre la fameuse carte après les contrôles d'usage devrait leur mettre la puce à l'oreille. En résumé, le programme Clear leur donnera un accés indirect aux bases de données antiterroristes par le principe enfantin de l'essai-erreur;
* Il risque également d'avoir un impact néfaste sur le degré de vigilance des employés chargés de contrôler l'accés aux avions, en accordant aux passagers dotés de cette carte un biais positif, et en amenant les agents de sécurité à travailler sur la base de catégories définies par des critères commerciaux (possession de la carte ou non) plutôt que par des critères de comportement (nervosité, comportement atypique et suspect...).

S'il s'agit certainement d'une brillante idée sur le plan du marketing, et que des milliers de voyageurs aériens fréquents souscriront probablement un abonnement afin de réduire leur temps de passage aux points de sécurité, la valeur ajoutée que ce programme offre du point de vue de la sécurité aérienne globale semble beaucoup plus difficile à définir.

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