19 septembre 2006

La caméra de surveillance voudrait vous dire un mot

Dans un nouvel effort de déshumanisation des relations humaines, la ville de Middlesbrough, au Royaume Uni, vient de franchir un pas de géant pour l'humanité. Elle vient en effet d'installer sept caméras de surveillance munies de haut-parleurs, comme nous l'apprend une dépêche de l'AFP reprise dans La Presse. Ces haut-parleurs permettent aux opérateurs des caméras d'interpeller directement les personnes surprises en train de commettre des "incivilités" comme jeter des papiers gras par terre, traverser en dehors des passages piétons, ou vandaliser des équipements publics. Selon un conseiller municipal, il s'agit d'une "espèce d'humiliation publique, mais cela signifie que les gens ne recommenceront plus"... Ou peut-être vont-ils justement trouver distrayant de provoquer cette voix qui descend du ciel? Par ailleurs, ce souci de "nettoyer" l'espace urbain de tout signe visible de désordre donne lieu à une nouvelle forme de pollution sonore qui aura certainement vite fait d'exaspérer les piétons.

Cette dématérialisation des relations humaines, et
en particulier dans les activités de sécurité et de prévention, se manifeste également par la multiplication des robots de surveillance, qui sont destinés à remplacer les gardes de sécurité. Des entreprises comme Robosoft (en France), Mobile Robot (aux USA), ou encore Secom (au Japon), sont parmi les entreprises qui proposent ce genre de produits. La dernière des trois a développé le Robot X, qui est équipé de caméras, de haut-parleurs et d'un canon à fumée non toxique destiné à repousser les intrus en dehors du périmètre de sécurité patrouillé. Le coût de location de ce robot est d'environ 2.700 USD par mois, soit la moitié du salaire mensuel d'un garde de sécurité au Japon.

14 septembre 2006

Le terrorisme, une cause de décès marginale

Les commémorations du 11 septembre 2001 passées, une analyse non scientifique des causes de décès de la population américaine pour les 10 dernières années nous rappelle à quel point le terrorisme reste marginal, comparé à des évènements accidentels. Cette étude, menée par un journaliste de Wired à l'aide de données officielles, montre ainsi qu'entre 1995 et 2005, 3147 personnes sont décédées dans des attentats aux USA. Pendant la même période, 254.419 personnes perdaient la vie au volant de leur véhicule dans des sorties de route, 140.327 s'empoisonnaient accidentellement, environ 60.000 périssaient dans des accidents du travail et près de 20.000 ne survivaient pas à une mauvaise grippe. Chiffre peut-être plus inquiétant dans le cadre de la sécurité publique: le nombre de personnes abattues par les forces de l'ordre (3.949) était plus élevé que celui des victimes du terrorisme. Ce palmarès macabre nous rappelle la multiplicité des risques auxquels la vie courante nous confronte, et les variations importantes de notre tolérance à l'égard de certains d'entre eux. Alors que des milliards de dollars ont été investis depuis le 11 septembre dans la lutte contre le terrorisme, une indifférence complète semble toujours règner à l'égard de formes beaucoup plus diffuses de dangers qui résultent bien souvent de notre propre témérité.

09 septembre 2006

Les profits du 11 septembre

À quelques jours du cinquième anniversaire des attentats contre les tours jumelles et le Pentagone, quelques articles viennent nous rappeler que si les secteurs du transport aérien, maritime, du tourisme ou des assurances ont subi des pertes considérables (les estimations des coûts directs dépassent les 80 milliards de dollars US), d'autres entreprises ont directement profité des besoins en équipements et en services de sécurité. Aux États-Unis seulement, les dépenses du gouvernement fédéral au titre de la sécurité sont passées de 17 milliards de dollars US en 2001 à 58 milliards en 2007, ce qui dépasse largement le rythme de l'inflation. Un article du MIT Technology Review dresse ainsi le portrait de petites entreprises qui ont connu une croissance fulgurante après avoir obtenu des contrats du Department of Homeland Security. Cependant, bien souvent, les décisions d'attribution des contrats sont prises dans l'urgence, et les technologies qu'on demande à ces start-ups de mettre sur le marché sont rarement opérationnelles, ce qui entraîne des gaspillages à la mesure de la montagne de billets verts dépensés. Le Washington Post a d'ailleurs révélé il y a quelques semaines de nombreux abus dans ce domaine. Au Québec également, la société Garda a su admirablement profiter du nouvel environnement d'insécurité créé par le 11 septembre, ce qui lui a permis de connaître une croissance exceptionnelle. Fondée il y a seulement 11 ans avec 25.000$ de capital, elle emploie aujourd'hui 20.000 employés et vient de faire son entrée sur le marché de la sécurité privée haut de gamme, avec le rachat de la société américaine Vance International (voir le dossier dans La Presse Affaires du samedi 9 sept. 06). Les employés de Garda assurent notamment le contrôle des passagers et des bagages (sous uniforme CATSA) aux aéroports de Montréal et de Toronto. Si les actionnaires de ces entreprises peuvent se réjouir pour l'instant des juteux contrats qu'elles obtiennent, les citoyens qui dépendent d'elles pour leur sécurité disposent encore de trop peu d'éléments pour évaluer objectivement leur contribution à la prévention des actes terroristes. À l'instar de Bruce Schneier, certains n'hésitent d'ailleurs plus à parler d'une théâtralisation de la sécurité, plus axée sur la perception que sur la réalité. Les décors et les figurants de la superproduction qu'on nous propose depuis cinq ans ne semblent toutefois pas suffisant pour convaincre tout le monde d'assister au spectacle.

02 septembre 2006

Les tasers arrivent en France

Les pistolets à impulsion électrique (ou taser en bon français) vont équiper prochainement la police nationale française, après une période d'expérimentation de quelques mois à Lyon. S'il est facile d'adhérer à l'idée que ce type d'armes à létalité réduite constitue une alternative préférable à l'utilisation d'armes à feu, les risques résiduels découlant de l'usage de tels équipement sont fréquemment passés sous silence par les policiers et leurs frabricants. Aux USA et au Canada, entre1999 et 2005, au moins 140 décès sont attribués à l'usage de tasers par les forces de l'ordre. Les victimes souffraient de problèmes cardiaques, se trouvaient dans des situations de stress intense ou étaient sous l'emprise de drogues, ce qui rendit la décharge électrique fatale. De plus, la tentation est forte pour de nombreux policiers d'étendre l'usage de cette arme qui ne laisse pas de traces à des situations non violentes, mais où la personne fait preuve d'un certain degré de résistance aux ordres qui lui sont donnés. Le nombre de procès intentés à la société Taser et aux forces de l'ordre s'accumule, et devant l'inquiétude des services de police américains, le Département de la Justice a annoncé en juin 2006 l'ouverture d'une enquête afin d'évaluer de manière un peu plus scientifique que les arguments marketing complaisamment relayés par les médias la dangerosité réelle de cette arme.