21 mars 2007

Internet, nouvel outil d'humiliation pour les mauvais payeurs

Après les agresseurs sexuels, dont le nom, l'adresse et la photo sont mis en ligne aux USA sur des registres publics accessibles à l'ensemble de la population qui dispose d'une connexion à internet, la province de l'Ontario, au Canada, étend cette stratégie aux mauvais payeurs de pensions alimentaires, qui disparaissent sans laisser d'adresse. Cette technique d'humiliation publique a pour objectif avoué d'aider les autorités à retrouver la trace des personnes introuvables. Elle utilise la puissance de diffusion de l'internet et sa dimension participative pour pallier au manque de ressources des administrations concernées. Il y a cependant là un risque bien réel de réintroduire des pratiques de justice privée (ou wikijustice dans sa version 2.0) qui ont été à juste raison abandonnées dans les sociétés modernes avancées il y a plus d'un siècle.

En effet, qui empêchera qu'une dérive amène éventuellement les institutions bancaires à diffuser sur internet les noms de leurs mauvais payeurs, ou les particuliers à diffuser les images d'invidus en train de commettre des actes de vandalisme plus ou moins graves qui auront été enregistrées par des caméras de vidéosurveillance privées? Toutes les occasions que créent les outils collaboratifs en ligne doivent-elles être exploitées, ou une réflexion éthique un peu plus poussée sur les implications d'internet pour les valeurs de justice doit-elle être entreprise? Il semble pour l'instant que la vitesse de développement des outils technologiques laisse les outils juridiques dans la poussière.

19 mars 2007

Les puces RFID et la sécurité

Le site InternetActu fait le point sur les questions éthiques et de sécurité entourant les puces RFID (ou à radiofréquence), qui sont présentées par certains comme la panacée en matière d'identification. Le débat autour de l'implantation de puces sous-cutanées est notamment présenté sous l'angle de la fusion de plus en plus poussée entre l'humain et la machine. On se demande également -- avec raison -- qui sera le propriétaire des implants: le porteur ou l'organisation qui analysera les données recueillies?

La conclusion du billet ouvre des perspectives intéressantes sur l'opposition entre les objectifs pratiques de certaines technologies (qui sont de nous faciliter la vie), et leurs déclinaisons en produits de sécurité, qui ont souvent bien du mal à surmonter les nombreuses failles résultant de processus de conceptions accélérés. Cette mise en garde contre la tentation d'utiliser toute nouvelle technologie pour atteindre une sécurité totale parfaitement utopique vaut cependant également à rebours pour les concepteurs de technologies courantes: ces derniers ont en effet souvent bien du mal à anticiper les risques que font peser sur les usagers leur quête de solutions simplifiant la vie quotidienne.

17 mars 2007

La course au rendement de la police française

Un article du Monde illustre les dérives qui peuvent parfois résulter de la mise en oeuvre mal contrôlée de réformes dans les organisations policières. Pressés d'améliorer leur productivité, certains gestionnaires locaux imposent à leurs équipes une politique d'objectifs quantitatifs qui fixe des cibles précises de baisse de la délinquance et d'augmentation de l'activité policière (arrestations, procès-verbaux, contrôles d'alcoolémie, tec.). Si on discerne bien la volonté louable de rationaliser le travail policier et de le rendre plus efficient, on peut quand même s'interroger sur les moyens choisis.

En effet, tous les efforts semblent focalisés sur la production de statistiques, alors que les processus par lesquels on y parvient semblent beaucoup moins valorisés. Or, l'exemple américain Compstat, qui a essaimé dans le monde entier et inspiré cette quanto-phrénie n'a jamais eu pour prétention d'imposer aux policiers des réductions drastiques de la criminalité prédéfinies de manière plus ou moins arbitraire. Il s'agissait avant tout d'utiliser l'outil statistique pour identifier les "points chauds" (hotspots) de la délinquance, ainsi que de rendre plus transparente la productivité policière et mettre en lumière des bonnes pratiques qui pourraient ensuite être généralisées à l'ensemble de l'organisation pour éliminer ces "points chauds". L'objectif était principalement d'identifier les bons et les mauvais gestionnaires, c'est à dire ceux qui sont capables (ou incapables) d'inventer et de mettre en oeuvre de nouvelles stratégies et façons de travailler. Dans la conception new yorkaise, un bon gestionnaire est aussi celui qui inspire ses subordonnés par son charisme et son leadership, qui obtient l'adhésion de ceux-ci en leur offrant un cadre de travail stimulant et en renouvelant leur fierté de faire leur métier. L'article de W Chan Kim et de R Mauborgne intitulé "Tipping point leadership" et publié en 2003 dans le Harvard Business Review (accès réservé aux abonnés) illustre parfaitement cette philosophie.

Cette dimension semble s'être perdue dans sa traversée de l'Atlantique, et l'exemple décrit dans l'article de Piotr Smolar semble plutôt décrire un mode de management par la peur, où la crainte de ne pas atteindre les objectifs fixés génère de fortes tensions et des niveaux élevés de stress parmi les agents. L'article suggère quand même qu'il s'agit là d'un cas extrême, puisqu'il semble désavoué par la haute hiérarchie policière:

Sollicité par Le Monde, le directeur central de la sécurité publique (DCSP), Philippe Laureau, a qualifié cette démarche d'"erreur, ne s'inscrivant ni dans l'esprit ni dans le fonctionnement" demandés par la DCSP. Ces objectifs auraient été fixés par le préfet, selon le directeur central. "Il n'y a jamais eu d'instructions de notre part pour établir des quotas, ce serait ridicule, dit-il. Notre seul objectif est l'efficacité des services."

16 mars 2007

Le photocopieur pourrait bien avaler votre identité

Le Boston Globe reprend une dépêche de l’Associated Press selon laquelle les photocopieurs récents équipés de disques durs pourraient être la cible des voleurs d’identité s’ils ne sont pas adéquatement protégés par des logiciels de cryptage des données. En effet, les machines fabriquées au cours des cinq dernières années scannent les documents avant de les reproduire. Elles sont fréquemment utilisées dans des entreprises ou dans des lieux publics (bibliothèques, commerces de quartier…) pour réaliser des copies de papiers d’identité, de déclarations d’impôts, etc. Leur accès n’est en général pas contrôlé, et les informations personnelles contenues dans les disques durs pourraient donc aisément se retrouver entre de mauvaises mains. Selon un sondage réalisé par l’un des principaux fabricants de photocopieurs, 55% des américains prévoient de conserver une photocopie de leur déclaration d’impôts.

14 mars 2007

Le troisième oeil se penche sur votre coeur...

L'entreprise 3rd Eye vient de dévoiler une technologie de surveillance dénommée SATS (Security Alert Tracking System) qui combine un système de vidéosurveillance traditionnel à des senseurs médicaux de suivi du rythme cardiaque. Concrètement, une entreprise qui se dote de cette technologie équipe ses employés de bracelets -- ressemblant à des montres -- qui transmettent à une centrale de surveillance des données sur les battements de coeur, dont l'augmentation est associée à un stress plus élevé. Cela permet à l'employeur de détecter les fluctuations anormales, qui peuvent être associées soit à un événement mettant en danger la vie de l'employé (hold-up pour les caissiers de banque), soit à un comportement malhonnête de la part dudit employé, dont on pense qu'il sera inquiet de se faire surprendre la main dans le sac (croupier de casino qui fraude son employeur). Dans un cas comme dans l'autre, l'alerte déclenche immédiatement la mise en marche d'une caméra de surveillance qui dirige son objectif sur le travailleur en question afin de déterminer la source à l'origine du stress. Les arguments de protection de la santé des personnes ainsi surveillées ont cependant du mal à dissimuler la nature profondément intrusive de cette technologie, qui semble par ailleurs mal adaptée aux hypochondriaques, phobiques et autres anxieux de nature.

06 mars 2007

Happy slapping au Québec

Le Devoir explore aujourd'hui l'arrivée au Québec du "happy slapping", cette pratique qui consiste à filmer à l'aide d'un téléphone cellulaire équipé d'une caméra vidéo l'agression physique d'une victime choisie au hasard. Une version québécoise en cours dans les écoles secondaires consisterait à faire sortir de ses gonds un professeur et à filmer la scène afin de l'humilier publiquement et de le décrédibiliser. Si le nombre d'incidents ne semble pas avoir atteint les sommets que l'on connaît en Angleterre ou en France, il semble préoccuper les autorités canadiennes.

YouTube et les gangs de rue

Le quotidien La Presse propose aujourd'hui une série d'articles sur le phénomène YouTube, dans une prespective criminologique. Le premier aborde la question des clips vidéos qui mettent en scène des adolescents québécois et qui glorifient les valeurs et les pratiques des gangs de rue. Reproduisant le modèle américain de la guerre entre gangs rivaux des Bloods et des Crips, ces vidéos témoignent du pouvoir de séduction que les gangs exercent sur certains jeunes. Des gangs se servent d'ailleurs des outils qu'offre internet pour intensifier leurs efforts de recrutement, ou pour provoquer des groupes ennemis.

Un troisième article (pour lequel j'ai été interviewé) se penche sur l'utilisation que peuvent faire les services de police de YouTube pour identifier des délinquants. Même si quelques vidéos ont été mises en ligne et on permis de retrouver des criminels, il me semble fort peu probable qu'on assiste dans un avenir proche au lancement d'un CrimeTube, pour reprendre l'expression de Wade Deisman, criminologue à l'Université d'Ottawa. Par contre, la facilité d'usage de l'outil et l'ubiquité des caméras vidéo, y compris dans les téléphones portables, risque fort de mener à des campagnes de dénonciation et de dénigrement qui s'apparentent à une justice privée éradiquée depuis longtemps. Pierre Trudel, professeur de droit à l'Université de Montréal, souligne dans le même article la question de la protection de la vie privée des individus dont l'image se retrouve sur internet.

05 mars 2007

L'identité en stéréo

Selon un article du Monde, un laboratoire de recherche anglais a reçu une subvention conséquente pour perfectionner un système de photographie en 3D rendant toute identification ultérieure beaucoup plus précise:

"Imaginez une personne passant à travers une porte. En quelques fractions de secondes, six flashes successifs, si rapides que l'oeil nu n'en perçoit qu'un seul, prennent six images de son visage. Un logiciel les combine ensuite pour reconstituer son image virtuelle, explique Maria Petrou, l'un des trois responsables du projet. Peu importe si la personne est en mouvement, la machine obtiendra un portrait net de la même manière qu'un radar peut saisir la plaque d'immatriculation d'une voiture roulant à toute vitesse."

Cette technique devrait augmenter considérablement la précision des systèmes d'identification installés dans des environnements contrôlés comme des points d'accès à des entreprises ou des administrations, mais être beaucoup moins performante dans les espaces publics.

03 mars 2007

Des robot-cops à Barcelone

Un consortium d'universités dirigé par l'Institut Polytechnique de Catalogne a reçu une subvention de recherche de l'Union Européenne afin de développer un projet intitulé URUS, qui vise à concevoir un réseau de robots fonctionnant dans les espaces publics des zones urbaines. Ce réseau de robots sera principalement destiné à interagir avec la population afin de lui offrir un certains nombres de services, mais des tâches de surveillance lui seront également confiées. L'expérimentation sera menée dans une zone piétonnière du centre-ville de Barcelone, où des robots utiliseront des données pré-programmées pour identifier des situations anormales comme des éléments de mobilier urbain vandalisés ou des activités humaines suspectes. Les robots qui auront détecté un événement suspect pourront communiquer leur position et transmettre une alarme. Ces robots inaugureront ainsi une nouvelle forme de vidéosurveillance mobile.

Par contre, on peut imaginer sans difficultés que les robots seront eux-mêmes la cible d'actes de vandalisme de la part de délinquants ou de défenseurs de la vie privée qui souhaitent échapper à cette surveillance omniprésente.

01 mars 2007

L'identité numérique

Vous trouverez ici l'enregistrement de l'émission de radio Citoyen Numérique dans laquelle j'ai fait une intervention la semaine dernière sur le thème de l'identité numérique et des questions de sécurité et de respect de la vie privée qui en découlent. J'ai pris la parole dans la seconde demi-heure de l'émission, après le morceau de punk québécois! Merci à Michel Dumais pour cette émission fort stimulante.

La Sécurisphère en anglais

À partir d'aujourd'hui, une version anglaise de La sécurisphère est en ligne à l'adresse suivante:

www.thesecurisphere.blogspot.com

Vous êtes plus de 10.000 a avoir consulté la version française, et je me suis dit qu'il y avait certainement un intérêt pour ce type de réflexions auprès du vaste public des internautes, dont la grande majorité parle et lit l'anglais.

Je rédigerai moi-même les billets dans les deux langues, ce qui ralentira encore certainement un peu la fréquence des nouveautés, qui avait déjà souffert ces derniers mois de mes nombreux autres engagements d'écriture.