17 mars 2007

La course au rendement de la police française

Un article du Monde illustre les dérives qui peuvent parfois résulter de la mise en oeuvre mal contrôlée de réformes dans les organisations policières. Pressés d'améliorer leur productivité, certains gestionnaires locaux imposent à leurs équipes une politique d'objectifs quantitatifs qui fixe des cibles précises de baisse de la délinquance et d'augmentation de l'activité policière (arrestations, procès-verbaux, contrôles d'alcoolémie, tec.). Si on discerne bien la volonté louable de rationaliser le travail policier et de le rendre plus efficient, on peut quand même s'interroger sur les moyens choisis.

En effet, tous les efforts semblent focalisés sur la production de statistiques, alors que les processus par lesquels on y parvient semblent beaucoup moins valorisés. Or, l'exemple américain Compstat, qui a essaimé dans le monde entier et inspiré cette quanto-phrénie n'a jamais eu pour prétention d'imposer aux policiers des réductions drastiques de la criminalité prédéfinies de manière plus ou moins arbitraire. Il s'agissait avant tout d'utiliser l'outil statistique pour identifier les "points chauds" (hotspots) de la délinquance, ainsi que de rendre plus transparente la productivité policière et mettre en lumière des bonnes pratiques qui pourraient ensuite être généralisées à l'ensemble de l'organisation pour éliminer ces "points chauds". L'objectif était principalement d'identifier les bons et les mauvais gestionnaires, c'est à dire ceux qui sont capables (ou incapables) d'inventer et de mettre en oeuvre de nouvelles stratégies et façons de travailler. Dans la conception new yorkaise, un bon gestionnaire est aussi celui qui inspire ses subordonnés par son charisme et son leadership, qui obtient l'adhésion de ceux-ci en leur offrant un cadre de travail stimulant et en renouvelant leur fierté de faire leur métier. L'article de W Chan Kim et de R Mauborgne intitulé "Tipping point leadership" et publié en 2003 dans le Harvard Business Review (accès réservé aux abonnés) illustre parfaitement cette philosophie.

Cette dimension semble s'être perdue dans sa traversée de l'Atlantique, et l'exemple décrit dans l'article de Piotr Smolar semble plutôt décrire un mode de management par la peur, où la crainte de ne pas atteindre les objectifs fixés génère de fortes tensions et des niveaux élevés de stress parmi les agents. L'article suggère quand même qu'il s'agit là d'un cas extrême, puisqu'il semble désavoué par la haute hiérarchie policière:

Sollicité par Le Monde, le directeur central de la sécurité publique (DCSP), Philippe Laureau, a qualifié cette démarche d'"erreur, ne s'inscrivant ni dans l'esprit ni dans le fonctionnement" demandés par la DCSP. Ces objectifs auraient été fixés par le préfet, selon le directeur central. "Il n'y a jamais eu d'instructions de notre part pour établir des quotas, ce serait ridicule, dit-il. Notre seul objectif est l'efficacité des services."

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