17 août 2006

Profilage facial dans les aéroports

Dans un entretien accordé au quotidien Le Devoir, Jacques Duchesneau, le Directeur de l'Autorité Canadienne de Sécurité du Transport Aérien (ACTSA) nous annonce l'arrivée inévitable au Canada des techniques de profilage du comportement développées en Israel et aux États Unis. Selon lui:
Ce n'est plus une approche mécanique qu'on doit avoir, par exemple dire que le quatrième passager est fouillé et que si c'est la juge en chef du Canada, eh bien, on la fouille quand même parce qu'elle est la quatrième, dit-il. Cette réglementation devrait être revue.... On doit faire une certaine ségrégation, qu'on le veuille ou pas. Ça viendrait faciliter les choses parce qu'on ne prendrait peut-être pas 20 secondes pour tout le monde et on prendrait peut-être plus de 20 secondes pour d'autre monde.
Il fait là référence aux techniques d'analyse du comportement et des expressions faciales développées par les services de sécurité Israéliens et des psychologues américains, dont le plus connu est Paul Ekman. Ces techniques, qui mettent l'accent sur le comportement d'un terroriste potentiel, plutôt que sur l'analyse technologique de ses bagages ou des particules d'explosifs présentes sur ses vêtements, sont actuellement en cours de déploiement aux USA, ainsi qu'au Royaume Uni. Elles s'appuient sur des techniques développées au milieu des années 1970 dans le cadre de la lutte contre le traffic de drogues (notamment le programme Jetway de la DEA), et mettent l'accent sur l'observation d'anomalies du comportement avant et pendant l'enregistrement, ou lors de discussions informelles engagées par des agents spécialement formés aux techniques de "lecture" des émotions cachées.

Les promoteurs de telles techniques s'interrogent cependant sur leur transférabilité à l'échelle industrielle du transport aérien mondialisé, qui doit faire voyager quotidiennement des millions de passagers avec le maximum de fluidité. Concernant les expérimentations en cours aux USA, ils notent l'adoption parcellaire de la méthodologie, qui privilégie un système de pointage assez opaque aux dépens d'aspects beaucoup plus importants comme un interrogatoire de second niveau par une personne spécialement formée. Ils évoquent également la difficulté de distinguer l'origine de la nervosité parmi bien des passagers, qui peuvent souffrir d'agoraphobie, de claustrophobie, ou simplement craindre pour leur sécurité, et qui adopteront des comportements de repli ou d'agression proches de ceux de terroristes potentiels. Le spectre du profilage racial n'est enfin jamais bien loin lorsque de telles pratiques faisant appel au jugement humain sur ce qui est "normal" et ce qui ne l'est pas sont mises en oeuvre, les normes culturelles de comportement variant grandement d'un groupe ethnique à un autre.

Si le profilage comportemental est certainement plus prometteur qu'une escalade technologique sans fin, de nombreux obstacles se dressent encore à son implantation dans les centaines d'aéroports internationaux qui englobent la planète. Nul doute par exemple que l'on trouvera bientôt sur Internet des manuels de contrôle des muscles faciaux destinés aux futurs terroristes.

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